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EXTRAITS
Edition Sant Jordi - médiathèque de Perpignan 04/16

Quand j’étais gamin, j’avais repéré que mes parents conservaient dans l’armoire de leur chambre, des livres qu’ils voulaient probablement soustraire à notre vue, mais que j’apercevais, par la porte entrebâillée.
En catimini, j’allai fouiller dans ce lieu tabou.

Dans le peu de temps dont je disposais avant de me faire prendre, je tombai sur un San Antonio dans la col-lection Fleuve noir, et Bonjour tristesse de Françoise Sagan.
J’en fus longtemps troublé. Cachées, la crudité de l’amour et sa cruauté. Interdit, l’accès à la mélancolie !...
Mais ce qui m’inquiéta le plus, c’est que, non seu-lement ces livres avaient été achetés puis dissimulés, mais qu’ils n’avaient pas été jetés… Par quelle honte, doublée de quel désir ?
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- De toutes façons, il y a finalement peu de gens qui se souviennent des détails de ce qu’ils ont lu…
  Ça leur rappelle quelque chose, et cette mémoire diffuse est la source d’un plaisir ambigu.
  Ça se passe dans le cerveau lombric
- Limbique !
- …Oui !
- Je préfère rectifier pendant qu’on lit qu’il est écrit que vous le dîtes…. Ensuite, il sera trop tard.
- Vous avez bien fait. C’était écrit.
 … Je pense à une chose : après une fermeture, est-ce que les gens reviennent ?
- Oui ! Le livre et la bibliothèque sont un lieu de nostalgie… mais le mal de quel pays ? On vient retrouver…
- Quoi ?
- Je ne sais pas, on vient Retrouver… Renouer avec une sorte de lenteur avide.
  On revient dans un chez soi qui n’est pas chez soi, une cabane à l’abri des parents.
- Comme en apnée… Le grand bleu !
- Le bleu nuit d’avant tous les jours.
- Sommes-nous ici hors du temps ?
○○○

Il y a un érotisme de la bibliothèque un silence favorable aux   signaux
non verbaux nous   pratiquons la lecture silencieuse Nous   
consultons les livres et ceux qui consultent les autres livres puis   
allons consulter ce qu’ils consultaient    alibimmobile de la lecture Les yeux   
sautent par dessus le bord supérieur    des couvertures vérifient   
la qualité et la    catégorie des autres lecteurs se situent   
comme on mate les maillots des autres baigneurs à la piscine   
Plus on va vers le fond plus la gestuelle (et lui) se libère Ici   
la lecture est un plaisir    solitaire partagé par tous j’exhibe   
ma lecture intime ma cour intérieure     en Place publique !
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- Souvent, je rêve d’une déambulation plus ludique : un semis de petits cailloux…
  noirs pour les polars, roses pour les romans d’amour, diamants pour les ouvrages de minéra-logie…
  En chemin, on se perdrait et on rencontrerait les gens qui ont suivi la même couleur.
  On aurait oublié les avenues orthogonales des sec-teurs rectilignes, pour s’oublier dans des ruelles tortueuses et parfumées.
  Les romans de George Sand seraient grands ou-verts, sur le bras d’un fauteuil. On passerait devant, on verrait de la lumière, on entrerait.
  Des chats seraient préposés au marque-page nonchalant des histoires qu’on lirait dans des hamacs d’oisiveté et de chocolat au lait, au bord d’une mare au diable de notre choix.
  Des louves aux yeux bleu d’acier nous traîneraient dans les histoires de Jack London.
  On s’adosserait à leur fourrure pour affronter le blizzard du récit.
  Le lecteur aurait définitivement rompu sa laisse !
- C’est vrai, tout est bien rectifié. Certains corps qui lisent semblent descendus de l’étagère d’un Quaker.
- On aurait dû confier à Dalí le soin de faire des livres ondulants, à Gaudí celui d’inventer des planches courbes, et à François Rabelais d’organiser des lectures- bacchanales !
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