LECTURE - PERFORMANCE en Médiathèques
sur un texte de F. Philipponnat (droits SACD)

Le dialogue de B & L invite à une méditation sur le labyrinthe du livre et de la bibliothèque.

Du magasin à l'espace informatique, l'errance des deux personnages pose un regard décalé sur le couple Bibliothécaire-Lecteur.

B & L, prisonniers du livre où ils sont écrits
cherchent le fin mot du lieu et, en abîme, celui de la littérature.
L'esprit de J.L Borges n'est pas loin !

La lecture est émaillée d'un jeu de textes polyphonés, sur l'écriture et le langage.

Une nouvelle version de l'ouvrage est éditée pour chaque événement, additionnée de références au fonds local
et/ou à un écrivain natif célébre. Elle demeure dans les collections, et est à disposition, à la fin de la prestation.

(Le nombre des "participants" à la déambulation est à moduler selon l'espace, et les circonstances de l'événement.)
Durée : env. 1h15
avec Nadine Cabarrot, comédienne & F. Philipponnat

Budget : 2 Cachets GUSO 350 € net / Frais de déplacements (2 AR depuis le Gard) Accueil / selon projet
(Cachets des comédiens, réécriture du livre, et visite préliminaire)
  Si le lieu de représentation est à l'autre bout de la France, la "reconnaissance" se fait par courrier, photos et vidéos


EXTRAITS (+ en page : Livres)

Ici je viens chercher confirmation de mon existence Je trouve des essais qui consolident
mes idées des revues conformes à mes croyances des romans qui affûtent mes fantasmes
Je suis accro à la bibliothècocon au nid où passe ma vie comme une péniche sur un canal
Ça remonte un courant invisible et inquiet
Finalement ça repart avec une cargaison de sable à ciel ouvert
Il faudra revenir pour confirmer
Ça n’en finit pas
Vous tenez le livre et bientôt
il vous tient !


- Vous êtes usager ?
- Usagé ? Disons un peu fatigué, mais pas lessivé.
- Apparemment, vous n’êtes pas un non-fréquentant.
- … ?!
- Je veux dire : quelqu’un qui ne vient jamais…
- Mais, je suis là !
- Je veux dire : vous êtes public, client de la banque de prêt, usager lecteur.
- Lecteur ? À mes jours …souvent la nuit.
- Alors vous êtes plutôt un multifréquentant, quelqu’un qui va aussi dans d’autres bibliothèques. Vous êtes un gros lecteur ?
- …mmh !?
- Je veux dire bibliophage, bibliolâtre.
  Un gros lecteur italien lit 10 livres par an.
  Un gros lecteur français : 25.
- Alors, plutôt français, mais je peux lire des livres italiens.
- Êtes-vous titulaire d’une carte ?
- …
- Ne me dites pas que vous êtes un public empêché, quelqu’un qui voudrait bien pouvoir venir
  (et qui, dans votre cas, viendrait en cachette) ?
- … ?!
- Avez-vous un laissez-passer, un laissez-lire ? …En tous cas, un certain laisser-aller !
  Vous êtes perdu ?
  Vous savez que vous êtes dans une bibliothèque de libre accès !
- Le minotaure avait libre accès au dédale où on l’a enfermé ! Indiquer l’entrée d’un labyrinthe est sadique !
- Se faire indiquer la sortie n’amènerait pas à l’avoir traversé.
- Il faudrait se faire accompagner.
- Accompagner ? Mm… Celui qui a trouvé le secret peut-il accompagner ?
  Voyez, moi-même, qui suis de la maison…
- La maison ?
- La bibliothèque ! Vous êtes à la bibliothèque !
- Dans la bibliothèque ! À, c’est quand j’y allais !
- On confirme le monde avec une nouvelle narration, comme on revient toujours dans le labyrinthe,
  pour approcher un peu plus un centre utopique.
  On trouvera la sortie, mais sans avoir trouvé le trésor.
  Sinon, pourquoi revenir ?
- Luis Borges est mort aveugle. Les yeux sans doute brûlés d’avoir trop erré dans les livres !
  C’est la quête du trésor qui crée le labyrinthe. Une prison jouissive. Une recherche en même temps qu’un désir d’échappée.
- Avec le temps, je pense plutôt à une issue intérieure. J’avoue que je suis moi-même perdue !
  Moi, la bibliothécaire, l’initiée de ce lieu, je rôde dans les rangées comme une lectrice du premier jour…ne sachant pas même ce que je cherche.
  J’ai l’impression d’être tombée de ce livre !
  …Vous voyez ce que je veux dire ?
- Je veux dire ce que vous voyez !


Il y a un érotisme de la bibliothèque un silence favorable aux   signaux non verbaux nous    pratiquons la lecture silencieuse Nous   consultons les livres    et ceux qui consultent les autres livres puis     allons consulter ce qu’ils consultaient    alibimmobile de la lecture Les yeux    sautent par dessus le bord supérieur   des couvertures vérifient    la qualité et la    catégorie des autres lecteurs se situent     comme on mate les maillots des autres baigneurs à la piscine    Plus on va vers le fond plus la gestuelle (et lui) se libère Ici    la lecture est un plaisir    solitaire partagé par tous j’exhibe    ma lecture intime ma cour intérieure    en Place publique !



- Qu’est-ce que j’peux lire ? J’sais pas quoi lire…

A chaque fois, c’est la même exploration : plan de masse, on zoome avant, prend la route, bifurque, gauche /droite, on ouvre, on embranche, on pénètre dans les sous-lieux du lieu précédent, l’œil sélectionne, progresse, comme une machette qui ouvre un chemin, la médiathèque, le hall, le secteur, l’étagère, la rangée, le N° ordinal du livre : le LIVRE ! ON NE POSE PAS la machette !! On s’enfonce toujours plus dans la jungle, feuilletage, intrigue, personnage qui nous saute aux yeux, poursuivi dans les chapitres, phrases, mots, MOT ! On reste en arrêt devant le mot, enfin parvenu à l’intime du détail, au diamant initial au-delà duquel ! …mais voilà qu’il explose comme un big bang de sens qui éparpille aux quatre coins de l’univers le puzzle 10 000 pièces qu’on avait patiemment assemblé !
Il faudra une semaine pour retrouver la médiathèque, le hall d’entrée, la rangée… et tenter d’entrer dans un autre livre, forêt aussi vierge que celle de la semaine dernière !



… Je pense à une chose : après une fermeture, est-ce que les gens reviennent ?
- Oui ! Le livre et la bibliothèque sont un lieu de nostalgie… mais le mal de quel pays ? On vient retrouver…
- Quoi ?
- Je ne sais pas, on vient Retrouver… Renouer avec une sorte de lenteur avide.
  On revient dans un chez soi qui n’est pas chez soi, une cabane à l’abri des parents.
- Comme en apnée… Le grand bleu !
- Le bleu nuit d’avant tous les jours.
- Sommes-nous ici hors du temps ?

Saisis par cette hypothèse - et peut-être pour la conjurer - B,
puis L, sont pris d’une frénésie langagière, où transparaîtraient - si nous étions dans un roman psychologique - sensibilité exacerbée - ou besoin d’amour - et fresque - même partielle - de la condition ouvrière :                                                                                       

"BIBLION-THÊKÊ ! Nous sommes dans la BIBLION-THÊKÊ ! la BIBLION-THÊKÊ ! où tout a commencé la boîte à manuscrits dont nous ne sommes pas sortis comme des contorsionnistes avides du grand espace intérieur BIBLION-THÊKÊ ! Nous sommes dans la BIBLION-THÊKÊ ! l’Aleph le lieu de tous les lieux où s’est réfugié le temps qu’on avait devant soi ! BIBLION-THÊKÊ ! Le coffre ! La chambre jaune sans issue Quelque part au centre de la BIBLION-THÊKÊ ! À quoi croyez-vous que sert le petit trou au fond des pots de fleurs ? À quoi croyez-vous que sert la bibliothécaire ? Précaire la lutte contre la poussière de la  BIBLION-THÊKÊ fourrée de conservateurs Je suis l’agent de sapidité Vous êtes le côté cœur des bibliothécaires Vous êtes le co-lecteur et le colocataire la libido bibelot de la biblio ! Au boulot ! Nous sommes dans la BIBLION-THÊKÊ ! Bibliothécon’ Bibliothéconomie ! Identification du document place indice système thème ! 100 je t’aime 110 je t’aime à la folie 111 je t’aime à la folie tu as la cote tant que tu ne ramènes pas de bibliothéconome à la maison qui vide les placards pour classer signaler diviser subdiviser coller récoler étiquetestampiller bulletiner ronder filmoluxer Nous sommes dans la BIBLION-THÊKÊ ! pour a n t i c i p e r Où le lecteur attend-il le livre ? Où monsieur attend-il ses chaussettes ? Les livres ? Je les cote Droits les livres bien droits ! Côte à côte bien serrés comme des demoiselles prudes Cote ! Cote ! Droite dans ses cotes la bibliothécaire verticale pas impressionnée ! À temps plein au CDD - Classification Décimale de Dewey- bien rangée sur la tranche au rayon personnel !

Trouve la cote trouve la cote du document marque-le comme un taureau ! Classe cote ! Des nouveaux dans la section ? Je refoule ! Y’en a trop ?

Je désherbe ! (par âge absence de sortie médiocrité griffonnage QUI A écrit réé-crit dans LE LIVRE ?!? Comment je fais maintenant d’un point de vue numérique ? Je cote j’indexe De quoi ça parle ? Je chasse le livre-lièvre le bouquin le reproducteur Est-ce que je bouquine moi ? Ça n’en finit pas il y a il y a la mise à jour des livres obscurs qui piétinent au fond du magasin il y a l’Iliade mais laquelle des 1000 versions copiées ? Homère ? De Zénodote ou d’Aristarque ? Livre revue dico albumBD brochures encyclopédie périodiques nouveautés glossaire index l i t t é r a t u r e g r i s e fiches   trop étroites pour l’esprit la moelle diaphane du livre le marque-page de vent qui signale le je ne sais quoi que convoite tous les bibliothécon’omistes de la BIBLION-THÊKÊ ! (Nous sommes dans la BIBLION-THÊKÊ !) qui font La SAISIE la SAISIE (?) l’idée de la chair mais sans la caresse la numérotation du chaos la fouille à pleines mains dans le désordre par sélection épuration maîtrise Ça prolifère ça ! Excroît ça ! Surcroîtarboresce ! Ramifieeffloresce ! Ça n’en finit pas !
...Au début, c’est jouissif : y voir clair, trouver la solution pour simplifier la tâche du chercheur, simplifier la tâche du classificateur, puis, ça s’émousse et un jour, on se surprend à la pensée sacrilège d’un renouveau radical… Sur les brûlis, l’herbe tendre d’un sens natif, un premier amour, un muguet qui tintinnabule aux oreilles vierges… On veut s’extirper d’un feu, emporter quelques graines pour ense-mencer une autre terre. On a la nostalgie de l’imaginaire, d’un espace sans coordonnées qui enjambe la table renver-sée des matières, un no cote’s land où chevaucher des lignes de fuite sauvages délivrées de tout index, un instant d’éparpillement, de fleurs des Alpes…"


Final


B et L finissent ainsi leur vie d’exemplaire.
Une affiche se déroule :

POST SCRIPTUM

LES PERSONNAGES DE CE RÉCIT SONT TIRÉS
D’UNE VRAIE FICTION OÙ ILS CONTINUENT
DE NE JAMAIS EXISTER. TOUT LECTEUR QUI
LES CROISERAIT DANS UNE AUTRE HISTOIRE
EST PRIÉ DE LES DÉNONCER AU MAGASIN
DES CLANDESTINS, SOUS PEINE DE SE VOIR
ACCUSÉ DE COMPLICITÉ DE RECEL D’IRRÉEL.

* Un exemplaire du texte B & L, sous la cote R Phil se
trouve rangé dans les rayonnages de cette bibliothèque.
Il appartiendra à qui le trouvera !

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